Fêtes et religions de l'Inde
Le rituel du Theyyam au Kerala
Le Theyyam est un rituel religieux de la région de Kannur et de Kasargod dans le nord du Kerala.
Les cérémonies, une centaine, ont lieu de novembre à mars selon un calendrier bien établi (consulter le calendrier).
Les danseurs formés dés leur plus jeune âge incarnent des dieux.
Le theyyam combine les arts du théâtre, de la danse, de la musique et ceux des arts de la scène (costumes et maquillage). C’est un rite de possession où les danseurs invitent les dieux à entrer dans leur corps.
Un savoir ancestral
Choisis dans les plus basses castes, héritiers d’un savoir ancestral transmis de père en fils avec la plus grande dévotion, des hommes incarnent, à la demande d’un temple, d’un particulier diverses formes de la déesse Kalî et d’autres divinités et héros du passé.
Après des heures de préparation, les gigantesques costumes et les maquillages magiques achevés, ces hommes transformés par la transe danseront pendant des heures, d’un rythme propre à chacune des déités qu’ils incarneront.
Les maquillages rappellent souvent ceux du Pacifique Sud et les coiffes dépassent parfois dix mètres de haut.
La musique avec des rythmes musicaux nourris des tambours chenda, cymbales, kuzhittakam et grelots et l’étrangeté des costumes emportent le spectateur dans un ailleurs envoutant.
L’avesam ou rite de possession
Les jeunes officiants se révèlent pendant la prise de possession, avesam ou l’incarnation d’une déesse implacable. Dès le début de la transe, chaque pas, chaque regard est tellement codifié et intégré qu’il apparaît spontané et libre. Tout est rythme. Comme malgré lui le corps entier résonne de cette vibration.
Le respect absolu témoigné à l’acteur de theyyam ne s’incarne que lorsque la Déesse l’habite. Cette incarnation commence seulement lors de la vision dans le miroir que l’on tendra à l’acteur, début de tout theyyam. L’officiant se mire dans le miroir magique, mukhadarshanam et n’y voit alors que la Shakti. Ce reflet élimine celui qui voit, pour ne laisser place qu’à la Déesse.
Après l’incarnation ils se retrouvent vides et fatigués, libérés d’une magie dont ils portent encore les traces. Après la représentation, l’acteur assis sur un pidam (tabouret en bois de jaquier) bénit, prédit, conseille. La Déesse continue de s’incarner avec des intenses tremblements, cris et mouvements saccadés, écho des mondes profonds.
Bénédiction de la Déesse Khali au Kerala
Comme Kalî au Bengale, Chamunda en Orissa, Tripura au Cachemire, la Déesse sous l’aspect de Bhadrakalî choisit la terre du Kerala pour transmettre sa bénédiction sous la forme de l’art magique du theyyam. Son apparence la plus extrême sera la Chamunda rouge ou Rakta Châmundi.
Bhadrakalî amène la prospérité à ses adorateurs. Elle est représentée au Kerala dans son expression dramatique, une main brandissant le bouclier et l’autre l’épée.
Le sanctuaire de theyyam ou kâvu est l’espace de Kalî où toute différence disparait. L’accomplissement se fait sous les étoiles. Des blocs de terre, d’une soixantaine de centimètres de haut, peints en blanc ou rouge, sont les seules expressions matérielles de ce rituel. Dans cet espace sacré situé devant le temple, on dépose les lampes à huile ainsi que les armes et coiffes des officiants.
Le temple ne contient aucune représentation iconographique. Seule y demeure la lampe à huile. Certains temples ne sont d’ailleurs matérialisés que par des lampes à huile formant leur enceinte.
Une fidèle transmission
L’extrême similitude des theyyams d’une même divinité représentée par des troupes différentes quant aux maquillages, rythmes, expressions et leur très grande fidélité aux représentations iconographiques sur bois et bronzes dès le 17ème siècle, souligne la précision de la transmission. La perfection iconographique actuelle reproduit fidèlement celle des quatre ou cinq sculptures en bois représentant différents theyyams que l’on trouve presque systématiquement sous la forme de la Déesse qui surplombe la façade de ses temples.
De la préparation des maquillages à la confection des costumes en feuille de cocotier, du maniement des tambours à l’incarnation de tous les theyyams possibles de sa lignée, de l’impressionnante maîtrise des armes à l’adresse permettant de danser sur des béquilles hautes de trois mètres, le pratiquant du theyyam doit maîtriser toutes ces qualités mais il doit surtout posséder adhikâra et tantrika, c’est à dire être libre de toute demande personnelle pour laisser l’esprit s’incarner en lui totalement.
Comme le yoga tantrique, le theyyam demeure une cérémonie secrète dont le sens interne est difficilement accessible aux yeux des profanes.